Bruno Bleu Poèmes, photos, peintures et autres de Bruno Bernier

Hotel Lutetia

Après le retour, la nuit se met à crier.

Le couple réuni fait grincer ses corps par des mots qui cognent le cerveau.
Pas de problèmes majeurs,
Seule la présence ou l'absence d'un fauteuil,
Une pièce plus grande ou plus petite
Pour mettre ce fauteuil absent dans cette pièce qui n'existe pas.
Puis une tempête de lettres
Sur la couleur de ce fauteuil inexistant et des crachats sanglants
Sur le tissu de la couleur invisible du fauteuil imaginaire posé au milieu d'un vide magnifique.
Et une joue qui frissonne sous un baiser qui existe.

 

Assis sur un banc.

Les enfants trichent en jouant au ballon avec leur mort.
De la lumière au bout des doigts descendre le long du fleuve.
Ne plus jamais se dire de ne plus jamais se mentir.
Mensonge convaincu dans l'essentielle suite des sons.
Sortir de soi, visiter les autres.
S'offrir si l'on veut bien être pris.
Ne pas s'etonner si personne ne se penche ou ne voit le don.
Arttendre simplement que le don soit manifeste,
Vu et compris par celui qui passe
Et celle qui sait.
Etre offert, être don, vaincre sa peur et celle des autres.
Assis sur un banc,
Là-bas des enfants qui trichent en jouant avec la mort.
De la lumière au bout des doigts, attendre doucement que le silence devienne opaque,
Que la nécessité du signal traverse le fleuve.
Le silence souterrain des mots est un piège où les abeilles se perdent.
La notion d'enfer triste est à relier au ballon des tricheurs.

 

 

Au début du siècle

Dans le crépuscule de la nuit tombante
Un blanc bruit s'éloigne
Qui souligne le gémissement de la source.
Le parfum de l'orage en tire son origine
Suggestion surgie du crépuscule.

 

Avec gravité

Avec gravité tourbillonne le ventre parmi la nuit des rires et des verres qui s'épuisent.
Avec gravité le sourire figé et le sourire en service des éternelles enfants
Qui ne trichent même pas en restant toujours les mêmes.
Les oiseaux ont toujours tendance à m'envahir sans cesse
Cachant de leurs ailes toutes les visions autres d'eux-mêmes.

Mémorisés par la patience d'autres mots viennent se coucher quand même.
Les tristes ennuis d'une trop courte vie se crispent souvent autour des abricots morts.

Avec gravité et tendu par l'effort
Le geste qui tourne parmi les tables
Le ventre luit des miettes d'une eau fatiguée.

Un goût de sel dans la bouche,
L'homme essuie ses lèvres douces d'une peau molle.
Avec gravité, les pieds tournés vers une lumière verte qui dit :
- Ici, c'est l'aube.

 

 

Cultiver des mots

Les mettre en pot,
cueillir leurs sons et goûter leurs gelées furtives de leurs accouplements,
voila les joies de l'amateur de mots cachés en chambre.
Sens giratoire faussé
Des mots se sont écrasés contre le bord de la chaussée...
Tu vois ça d'ici, ces pauvres mots éventrés,
qui se trainent, qui crient leur haine
Viscères éclatées....

 

Dans les yeux d'Agathe

Des milliers d'étoiles filantes
Dans les yeux d'Agathe
Tous les jours qui vont venir
Avec chacun une grande joie
Terrible ou douce,
Chaque jour quelque note nouvelle
Pour jouer la vie avec souffle et soleil
Eau douce ou salée,
Vague ou goutte d'amour léchée.

 

De l'amour dans un sablier d'eau froide.

L'amour dans un sablier d'eau froide.
La recherche du titre obsède le poète durant tout un été.
Je recherche mon titre avec obscénité.
Chacun se dit ce qu'il est.
Avec toutes les déclinaisons du possible autour de l'être haï.
Même si de plus en plus évidentes, les soirées s'amenuisent,
Les rapaces trembleurs persécutent toujours.
Tuer les rapaces.
Franchir l'harmonie durement reconquise.

Elle glisse la longue nuit de mes armes.
La jolie péniche au bois de rose est passée sans rien voir,
Sans rien vouloir voir.
La nuit n'a pas de valeur d'échange.
Des accents sentimentaux passent à travers les toiles.
Nos mots ont la scoliose des placards tristes.
Pas de silence pour les amoureux du noir.
Un marchand de vin et d'espace est parti habiter une page vide.
Le ruisseau s'endort.

 

Des fleurs sur les fesses

La fille avec des fleurs sur les fesses
Les jambes, les cuisses en fleur
Dort sous la couverture entre les draps.
Le violoncelle gémit.
Un ruban triste et solennel tourne
Avec un clavecin qui scande le temps d'une sieste.
Dimanche après-midi deux mai
Avec des fleurs sur les cuissses
Le ventre les jambes les fesses
Trois fleurs pour un dimanche.

Des nuits et des nuits durant et des nuits

Elle est belle, là dessus aucun doute
Longs cils traversant l'espace
Longs, des kilomètres de cils
Et qui vous disent des milliers de choses tendres et belles
Mais seul le soleil les entend
Car elle parle pas
Ne parle plus
Depuis que la mort lui a volé
Son amour.

La mort, c'est pas seulement la mort
C'est aussi l'oubli, la haine,
L'éloignement et surtout
Cette saloperie d'infifférence qui recouvre tout
Et efface les baisers
Comme des petites fleurs oubliées
Et puis les pensées qui meurent
Qui deviennent cadavres
Et lui, lui qui rit
Comme si de rien de rien
.
Elle est belle
Là-dessus aucun doute mais ses lèvres,
 ses lèvres n'ont plus de baisers à donner
 et ses nuits plus personne à abriter
et elle a de longs cils qui traversent l'espace
et personne personne dans ses nuits ne lui caresse plus les lèvres.

 

Droit devant la couverture

Tu es devant le soleil d'une chevelure
Tes yeux sont entre l'ouverture
Tu regardes lentement l'édifice somptueux
D'une toison blonde et d'un ventre délicieux
Tu danses sans faire une seule caresse au corps étendu sous tes yeux
Et lentement tu éduques un corps vierge
A aimer la vie, à ouvrir ses lèvres
pour un peu d'oubli de la réalité.
Froides, tes hanches ne le seront plus jamais
Tu hésites devant la perspicacité directe
Tu veux un peu de force devant sa jeunesse
Pour tordre ses réserves pour absorber ce qui reste des possibilités.

 

Ecoute et écoute

Le temps des amours, des amants
Les lèvres de nos années
Se crispent et se vident
Nos lèvres multiples et muqueuses se vendent,
Je suis à vendre, corps oublié,
Je suis à vendre,
Corps
Oublié.
Que dis-tu mon ami frère
Que dis-tu toi qui a tout pris
Qui a tout pris
Sans rien payer?

 

En crachant au visage du soleil

Bon comme du pain, disais-tu
En crachant au visage du soleil très haut, très loin dans la lumière.
Bons comme des oiseaux, hurlais-tu en mendiant de quoi t'habiller auprès de quelques copains.
Bon comme rien en rentrant chez toi
Seul et sale dedans dehors de l'âme
Dans une chambre à l'odeur de misère monotone.
Bon comme une corde
En tirant sur le bout auquel tu donnais forme de rond
Dans laquelle passer la tête
Et tomber de deux mètres
Et te fouler la cheville
Et rater l'arrêt
Boiter pendant deux ans
Et même plus tard continuer à boiter
Alors que bon à tout
Tu passes dans les couloirs des ministères
Salué bien bas
Par ceux qui ne boitent pas
Et qui n'en ont jamais eu envie.
(Quelle idée les aurait atteint, eux, qui marchent sans balancier?)

 

En plus

En ces jours d'oiseaux volants
Me rattrapant sur les berges de ma ville
Je crois que ta présence
Ne peut que crever la surface de l'indifférence.
Et si jamais j'avais été jeune
Le temps serait toujours cette frèle soeur fragile.

 

Encore un adieu

Encore un adieu qui s'en va
Encore un amour qui s'éloigne
Vers des frontières éloignées
Et puis un oiseau
S'écrase sur la façade de l'immeuble en face.

C'est mon coeur jaillissant de la cage
Qui fait cette tâche irrégulière et rouge.

 

Et glisse tendre

Sur des toiles de parchemin revivait la parole.
A travers le roman vécu s'éteint le silence.
La mort du silence c'est une petite fille qui tape dans ses mains.
Et glisse encore.
Des passants sont morts trop tôt voulant traverser
Une couleur précise où ils se voyaient reflêt.
Un raclement de mots à venir entre dux horloges:
Entrée.
Une grande flêche rouge qui dirige le regard vers une phrase à finir.

Et glisse tendre.

 

Glissant courant sautant

Glissant courant sautant et ricanant, il hurlait.
Il hurlait des mots insensés
Et ses cheveux partaient au fil des années
Emmêlés avec ses mots.
Ses mots faisaient de grands tas inertes,
Seuls quelques rescapés
Parfois gémissaient frissonnaient.
Ses cheveux devenaient presque blancs et se fanaient.

Ses mots en tas pourrissaient
Quand il fit la découverte du siècle.
Les mots revivent avec les pleurs,
Pleurer sur les mots en tas
En fait revivre certains,
Les plus jaunes, ceux qui restent après la pluie.

 

L'enfant est né

Fils de l'homme et de la femme
Fils de la femme et de la femme
L'enfant est né malgré les veillées ailées
Malgré les mélées.
Ton corps a souffert
Ta tête aussi
Ta main est blessée
Et tu ressens à travers tous tes pores
L'eternité t'envahir flux reflux constant
Persiste continue arrache à la vie chaque instant
Lutte, combat mais vis vis
Vis à vis de la vie
Cherche à combattre sois plus fort
Plus vie que la plus vivante des vies
Essaie de créer plus fort que la création.

 

La vie

La vie a éclaboussé tant de croyances
Le vent a fertilisé des milliers de tombes
Sur lesquelles germent des milliers
De fleurs tristes d'idées.
Depuis la naissance d'une fleur
Jusqu'à sa mort
Un enfant a dit "Papa"
Et est tombé, ébahi, étonné
Dans la dure durance du drame dur
Pas de sourire
Pas de rires autour de son premier essai
Et surtout du silence dans ses oreilles
Dans ce monde calfeutré où les luttes
N'existent pas
N'existent plus
Et je suis mort et je crie ma mort
Pour que vous sachiez
Que mes dents grincent
Autour de vos cous de vos queues
De vos seins
De vos lèvres
Même si je suis mort
Ma morsure sera cruelle
A la mesure de mon amour
Et de ma force.
Ma haine, elle est en moi
Comme cette foutue fleur
Qui hurle chaque matin
Et dont on effeuille la crête
Aux cinq pétales rouges
Doigts de la main.

 

Laver chaque jour

Laver chaque jour le sol devant les yeux pour y voir plus clair
Toiles chaudes et gelées devant notre regard pour refaire
chaque jour le même
CHEMIN
Inlassable jusqu'à ta perte toi peuple dont je suis
Sachant que nul autre à par moi les mêmes mots tracera,
Je suis tranquille,
Pour toi la rue est triste mais claire pour moi.

 

Le soir crissait sous la dent

Il a bien fallu l'habiller de vert pour la voir en noir.
La sensibilté du mur était telle que le silence en devanit pesant,
Imprégné de l'odeur chaude des guèpes.
Le soir était instant de mort et crissait sous la dent.
La femme de vert militait vaguement
Avec beaucoup d'application
(semble-t-il)
Parmi les insectes rongeurs.
Elle grignotait le temps avec force douceur.
Assise le dos contre la pesanteur,
Les jambes étroites, bien plates sur le souvenir
Et tendues, nerveuses, nouées dans leur règle de bois carré.

Elle regardait longtemps une brindille de passé
A l'intérieur d'elle-même
Cherchant à la saisir de deux doigts craintifs et précis.
Doigts fins étirés au possible vers l'impossible du désir.
Attendue par la nuit,
La lumière déclinée le long de ses joues.
Mordue par la vision et tremblante de vivre.
Coulant à perdre haleine,
L'oubli de soi dans sa main,
Dans sa recherche d'elle.
Elle trébuchait courant silencieuse,
Les jambes étendues,
Le dos contre la peur.
Des sentinelles anxieuses liaient pour elle d'obscurs rendez-vous dans le monde.
Les sentinelles dirigeaient chacun de ses mouvements dans la connaissance des mots.
Sans tricher, elle se tuait pour la jouissance de l'immobile posé.

 

 

L'enfant est né

Fils de l'homme et de la femme
Fils de la femme et de la femme
L'enfant est né malgré les veillées ailées
Malgré les mélées.
Ton corps a souffert
Ta tête aussi
Ta main est blessée
Et tu ressens à travers tous tes pores
L'eternité t'envahir flux reflux constant
Persiste continue arrache à la vie chaque instant
Lutte, combat mais vis vis
Vis à vis de la vie
Cherche à combattre sois plus fort
Plus vie que la plus vivante des vies
Essaie de créer plus fort que la création.

 

Ma vie ma nuit c'est toi

Le malheur c'est que tu le sais et tu en joues
Comme d'un piano que tu connais et que tu maîtrises
Mais chaque piano peut se désaccorder
Et crever sous tes doigts
Sans que tu saches pourquoi.
Fonction de la température
Du sens du vent
Du passage d'une autre pianiste
Dans le tour des mains accessibles
Aux touches
Et puis le vent le vent qui glisse et se trémousse
De jour en jour de plus en plus en fort.
Et puis la mousse qui s'amasse sous les touches
Non jouées non plus utilisées et délaissées
Et qui pourrissent
Abandonnées.

 

Mascarade

Triste envie de mordre
Ton coeur tendre
Glissé entre tes cuisses
Là ou chacun peut le caresser.

 

 

Nuit et jour, nuit d'amour, jour d'ennui


Nuit et jour, nuit d'amour, jour d'ennui
Et toi qui fait grincer la porte
Qui fait pleurer les notes
De mon piano, chaque jeudi, chaque mardi
Chaque jour qui se finit en "di".

Tu me diras, il n'y a pas tellement de jours
Qui ne finissent pas en "di",
Il y a Noël; le jour de l'an, le 14 juillet et 1er Novembre,
Heureusement qu'il y a ces jours là,
Sinon , je te verrais tous les jours
Et chaque jour, j'aime pas,
Surtout quand je m'ennuie.

 

 

Prière

Tu demandes à Dieu
Que le vent souffle
Sous les arbres de ta plaine
Demande lui plutôt que ta femme t'aime
Ou que tu sois libéré de l'alcool.

Peut-être devrais-tu
Vivre sans penser au vent
En regardant seulement
Ton âme mise à nu
Par le combat eternel
De l'homme et de la femme
En dehors de tous contacts charnels.

 

 

Samedi deux mai

Samedi deux mai mille neuf cent quatre vingt sept années
Après la date présumée de la naissance du fils du père
Qui était lui-même et qui féconda la femme par force du désir,
Sans la toucher dit-il et s'enfanta de lui-même
Et se mangea le corps tout en l'offrant à d'autres
Se partageant lui-même et se mangeant lui-même,
S'insultant au nom du père de lui-même
Etant lui même son père,
Et bien, aujourd'hui, il a fait froid à Paris,
Ville lumière,
A vue de nez, il faisait treize degrés trois quart
Et je suis là, fils de mon père et de moi même,
L'autre n'était pas fils, à douze ans , il était déjà grand-père
Et il fait toujours froid à Paris,
Je n'ai pas parlé de l'heure,
Il est vingt deux heures douze et j'écris,
Un goût de fromage de chèvre au creux de la bouche
Qui me fait sentir la présence de ma langue dans ma bouche.
Et je pose le mot fin et je mets un point.

 

 

Sculpter sa vie

Etre au service de soi-même.
Son seul guide,
Sa propre conscience.
Rester conscient de sa force,
Savoir être.
Refuser de passer derrière le décor.
Sculpter jour après jour sa vie.
N'écouter que les bruits provoqués par la nuit.
Trembler doucement en espérant trouver
Un autre chemin,
Vierge de toutes salives et nu de tous regards.

 

Sucer comme sucre

Je n'ai toujours pas compris, à moins que je n'ai jamais voulu comprendre.
Attendre l'arrivée des avions avec des mots comme compagnons, des mots, des mots...
Regarder quatre personnages qui, sur fond bleu me regardent
Sauf un qui en regarde un autre.
On peut peindre aussi dans sa tête et ne jamais rien montrer.
Attendre est une grande faim qui ronge et triche avec le temps.
Le ventre crispé de l'attente,
Le besoin physique de toucher chaque seconde
Pour lui donner une impulsion
Qui la fasse aller plus vite vers le passé.
Presser le temps.
Desendre chaque marche vers l'autre à pleines dents.
Sucer comme sucre la peur de se revoir,
De se chanter les moments d'absence.
Se délecter d'être croisement.
Puis repartir sans plus penser au maître inquiétant.
Tricher à nouveau les mains pleines.

 

Un tremblement délicieux

Un argumentaire flatteur à force de raison
Qui semble tellement clair
Que celui qui l'entend se rend compte
Qu'il est terriblement intelligent
Et remercie et voue un culte
A celui qui parle doctement.

Pendant ce temps, ailleurs
Un homme se bat avec sa raison,
Il ne se comprend pas.
Ses jambes refusent de bouger dans le sens désiré.
Sa main droite qui écrit refuse de former des lettres,
Elle a oublié le mouvement,
Elle ne sait plus créer les vagues qui agitées créent le sens.
Un tremblement délicieux.

 

Une bien balancée

En voila une belle bien balancée
Bien roulée avec des creux et des rondes
Et du jus partout et des yeux à en crever
Des formes admirables et un sang à hurler
Tu pourrais vraiment faire le tour du monde
Tu n'en aurais pas une pareille
Une aussi belle
A la fois blonde et brune
Rousse et noire,
Jamais tu n'en auras une pareille

Une chanson
Aussi belle que la mienne.

 

Bruno Bleu Poèmes, photos, peintures et autres de Bruno Bernier