Bruno Bleu Poèmes, photos, peintures et autres de Bruno Bernier

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Soleil d'encre


Merveille ciel de tristesse

Le temps de vivre 
Plus d'amour, la vie vide 
Devant l'éternité, le silence répond à la tristesse 
Mais dans le ciel, une splendide noirceur 
Fait oublier les mots de haine. 
Seul mais indifférent, avec dans le cœur 
Un souvenir antique 
Celui de deux mains croisées sur le même idéal.
 
 Dernier whisky et peinture
 
Mots inconnus de moi
L'héritage est nu
Je viens de moi
Je ne sais plus rien de toi
Quand j'avais soif 
Je ne t'ai pas bue
Et tu es morte de soif.
 
Avec Toi
 
Le vent se glisse 
Sous moi 
Et ricane devant mon corps. 
Et c'est raté 
Il faut gommer 
Cette nuit de ta vie 
Et celle-ci aussi 
Oublier deux nuits pour que cesse 
Ce ricanement qui vient trop tôt. 
La nuit avancée… 
Il faut inverser car maintenant 
C'est fini. 
J'expliquerai à la postérité 
Que l'amour vertical 
N'est pas si idiot que ce poème 
Qui ne veut dire qu'amour.
 
 
Tout est mort

Il ne reste que la volonté de mourir. 
Devant le monde une subtile pensée s'élève 
Tout est mort 
Il ne reste plus de chansons
Et même dans le vent futur
Des larmes coulent. 
Et même dans le vent
Des larmes coulent. 
 
Pas toujours facile

Pas toujours facile de savoir ce que l'on pense, 
Si l'on pense... 
Des fois on s'embrassait, tu sais 
Et c'était bon malgré le contact des autres 
Qui pressaient leurs corps 
Contre le matin durant ces voyages de métro.
Dans les rares fois 
Où je suis seul sur une feuille, 
J'écris ce que je pense
 
 
Studio blanc
 
J'attends de pouvoir dire le mot fin au fond d'un son noir
Au fond d'un soir où j'aurais pu dire
Je voulais faire de la batterie avec des pinceaux sur la toile géante
de ta vie
de ta vie j'ai bien dit
 
la mienne est déjà peinte depuis longtemps
par ton désir et par le désir de l'enfant que tu n'as pas voulu voir venir au jour
 
Jouer aux cartes
 
Opium des filles, le solitaire répand son attente 
Pourtant le professionnel redouble son lien 
Ses cartes dansent entre les dents du hasard. 
Trois hommes ruinés par la malchance d'un as.
 
Toussent les croupiers vineux 
Gloussent les rentières ennuyées 
Pendant que glissent les cartes sur les âmes 
Les jetons se collent aux mains 
La nuit tombe sur eux.
 
Ils jouent toujours des jours d'hôtel 
Des vacances prolongées, osées 
Ils perdent le soleil 
Ils le laissent derrière les nuages.
 
La sauvage est morte; la reine triomphe 
L'as est sorti.
 
 
Emballage express

Entre le vent de tes cuisses 
Se promène le frottement de mon vice 
L'idée substance 
Idées d'avance. 
 
Je sais 
Ca rime si mal que ça n'est pas normal. 
 
Seulement, j'ai dans l'idée 
Que la ruine du lac ridé 
Sera si peu de chose 
Que pas une rose 
Ne me dira 
Que cela ne va pas, 
Que cela ne suffit pas...
 
Doux son crissant 
 
Il faudrait pour que tu sois ma chose 
Que je me creuse la cervelle un peu plus 
Mais il me reste si peu de cellules fraîches et tendres, 
Que j'ai peur de rester sans plus aucun neurone, 
 
Si je cherchais pour te faire chavirer 
Des mots, des idées, et même des images pour t'amener 
Sur le doux son crissant que mes draps chantent 
Lorsque tu t'y couches 
 
Je saurais, tu le sais les inventer, 
Ces mots doux comme mouches sucrées, 
Alors puisque tu le sais... 
 
Plutôt que de me fatiguer encore 
Je te dis d'un ton sec 
Si tu veux: viens! 
J'ai pas le temps de bien t'emballer 
Mais c'est pas pour offrir 
C'est pour la maison et en plus pour manger de suite... 
 
Un tout petit papier suffira, pas besoin de ruban, 
Juste un peu de ruban scotch, ça tiendra bien le temps d'arriver! 
 
 
Il existe :
 
Des gens au parfum 
Agréable. 
 
Des bouquins introuvables, 
Pas de prix, 
Jolis. 
Comme on dit dans les boutiques 
Qui semblent vendre toujours 
Trop cher ce que l'on s'ennuie d'attendre. 
 
Je passe et je te lasse 
 
Mais moi, je ne te dis rien. 
Et le coeur de mon corps 
Garde sa souffrance. 
Aiguiser ces couteaux 
Qui me blessent 
Et m'étripent. 
 
Et va voir chez Anita si j'y suis 
Et si je n'y suis pas, 
C'est que ma tête est chez Suzanne. 
Sinon Victor va hurler en pensant 
Que je peux être chez Marie Noëlle 
Ou Elizabeth. 
Mais si je te dis à toi 
Que je suis chez Bénédicte, 
Tu vas crier que ce n'est pas de jeu. 
Et que le vent du soir 
A raison de me voir traîner du côté de chez Vera où 
Il y a Anika, Véronique et Capoue. 
Si je ne suis nulle part, ni chez Marie Ange, ni chez Laurence, 
C'est que je suis chez Florence 
Avec ma tristesse et ma haine, 
Et mon amour immense pour elle 
 
Et voila 
 Arrière-goût
 
Laissez moi seul avec moi. 
 
Moi c'est moi. 
 
Et même si j' arrive à crier droit contre moi. 
Droit c'est mon droit. 
C'est que je n'ai pas assez bu. 
Boire, c'est mon choix. 
Que ta main soit au bout de mon verre. 
C'est ta censure sincère 
Qui me donne la bouche sèche de toi.
 
 Temps Perdu
 
Un orgue se trimbale 
Dans ta tête. 
Il passe du grenier 
Au rez-de-chaussée 
A une vitesse dingue. 
Il saute les marches. 
Il plane 
Ne se sert pas de la rampe 
Et répète inlassablement les mêmes basses monotones: 
 
Elle ne reviendra pas. 
Elle n'a jamais existé. 
Et tu sais qu'elle est morte 
Avant que tu aies pu l'aimer. 
Et pourtant ton corps s'est mêlé au sien. 
Frissons de savoir qu'un jour 
L'été reviendra. 
 
L' orgue change de registre 
Et tes années sont mortes 
Givrées de tant de temps perdu.
 
 
 Celle que tu pénétrais 
 
J'ai envie de danser ou pleurer 
D'agir, de faire en sorte que mon coeur soit. 
La répétition monotone ne fait vibrer 
Que certains hommes 
Et toi tu vois ou tu passes? 
Sais tu que la neige n'en finit pas de tomber 
Et que ton corps regarde en bas vers une vallée 
Verte, 
Criante d'amour 
Où tu ne seras jamais. 
Et un oiseau s'en va dans le brouillard. 
Tu as remis ton costume 
De cadre de multi-multinationale 
Et tu repars en regardant le cadavre violé de ton amour. 
De ton amour 
Tu sais 
Tu sais 
Qu'un amour sur deux 
Se trompe d'adresse 
Et arrive chez le père Noël 
Et la basse voix de tes offices 
Se fait sentir dans les cours et tu te crispes. 
Ta passion se concentre autour de 
La pelle qui te sert 
A enterrer 
Celle que tu pénétrais
 
 Faire du pondératisme
 
On pourrait croire à te voir que tes yeux se ferment devant la nuit 
Mais tes yeux ne se ferment jamais. 
Tu vis, les prunelles dilatées par la beauté. 
Le noir t'entoure, tu vois la nudité. 
Une dormeuse dans chaque pore de ta peau grince des dents. 
Froidement tu regardes son corps. 
Tu imagines une ignorance totale. 
Tu crois que c'est la première fois, 
Et c'est vrai, c'est la première fois. 
Car cette fois ci tu aimes.
 
 
Deux Lèvres
 
Je connais chaque feuille morte du sentier 
Je connais chaque détour du sentier solitaire 
Traversant la foule des hommes 
Le sentier se perd vers l'infini, 
Puis s'arrête devant un mur. 
 
Je connais chaque feuille morte du sentier. 
Je connais chaque détour du sentier solitaire. 
 
Le mur s'arrête devant un mur plus grand, un mur énorme 
Qui atteint le ciel et cache même le soleil. 
Sur ce mur : une bouche. 
Deux lèvres rouges attendent un baiser, 
Baiser d'automne, 
Baiser de mort.
 
 
 Ville noire 
 
Le ciel noir. 
Aucune étoile. 
Pas de lune. 
La ville morte. 
Un homme qui marche dans une rue, 
Lentement, lentement, lentement. 
L'homme marche, 
Pas à pas 
Un pas, un autre. 
Il ne s'arrêtera pas. 
Il continuera sa marche 
Jusqu'au matin 
Jamais, jamais, jamais. 
Le ciel noir, 
Aucune étoile. 
La ville morte. 
Un homme qui meurt dans une rue, 
Lentement, lentement, lentement
 
 
 Délires
 
La tasse est pleine 
D'enfants infirmes 
Qui boitent et se traînent 
A travers leur grande pâleur. 
Couchés ventre à ventre 
Ils s'emmêlent et se mêlent, 
Se mêlent et se démêlent 
Leurs bras, leurs jambes 
Leurs seins, leurs bouches, 
Leurs yeux, leurs langues 
Ils s'emmêlent et se démêlent.
 
 
La douceur des sons
 
La cloche lointaine 
D'un orchestre s'entend à travers l'acoustique de ma caisse. 
Le ruban de ma tristesse tourne, 
J'ai envie que tu me laisses prendre le bleu du ciel 
Pour le mettre aux murs blafards 
De ma chambre 
 
 
La solution
 
Il est une chose inexplicable 
Un mystère insoluble 
Une énigme demeurée inviolée 
Un rébus vierge de toute solution 
Il est un problème irrécouvrable 
Il est une question sans réponse 
Un mot sans sens 
Un concept inimaginable 
Une idée inconnue 
Un rêve oublié 
Tellement oublié 
Que je ne sais plus comment il est 
Tellement secret que j'en ai perdu la clé. 
Pomme souveraine
 
Dans mes mains, 
Il y a une pomme. 
Une très vieille pomme ridée 
Qui a une chair de femme, 
Douce au toucher, 
Délicate à caresser. 
Une pomme souveraine, 
L'exemplaire parfait et velouté. 
Dans mes mains, 
Il y a une pomme. 
Une très vieille et respectable pomme, 
Une pomme surnaturelle que j'aime caresser.
 
 
La colline sacrée
 
Nous irons devant la colline 
Et quand tu seras fatiguée, 
Un homme viendra te tuer. 
 
Il s'appelle gardien de la colline sacrée. 
Colline devant laquelle, nul ne peut se coucher, 
Devant laquelle, nul ne peut s'arrêter de danser.
Un disque se pose
 
Le lit rouge 
Le mur blanc 
le ciel de toutes les couleurs 
Passant dans les nuages 
La musique du jardin 
Pénètre les sillons de ta tête 
 
Le soleil ne va pas assez vite 
Et pénètre la fumée de tes cheveux 
La mer regarde cela comme une femme 
Qu'attends tu pour prendre ta vie 
Comme guide ou comme rejet.
 
 
Les femmes de quarante ans
 
Les femmes de quarante ans 
S'assoient sur les palissades 
Formant tantôt 
Une attitude obscène 
Tantôt un faisceau de vierges romaines. 
Elles attendent le moment rouge du bourreau. 
 
LE PLUS MAUVAIS TEXTE ECRIT DEPUIS HIER PAR MOI 
 
Quand il y a trop d'aigus, 
Mettre du coton dans les oreilles n'est peut-être pas la mauvaise solution. 
Le tourne disque capte aussi la radio en bruit de fond. 
Des publicités en arrière plan sur la cinquième! 
Je vous laisse juge 
Tout à l'heure j'écoutais des poèmes de Breton 
En même temps 
J'apprenais que les banques seraient fermées le lendemain 
En raison d'une grève 
Voila qui permet de dater 
Nadja s'en foutait pas mal et continuait de son coeur le jeu. 
Mais moi ras le bol, le visage en flammes, le front perlé de sueur, de mes mains j'ai délicatement soulevé le lecteur et du haut de 
Ma fenêtre sise 
Au sixième étage 
J'ai laissé choir cet appareil qui n'était qu'imparfait et puis je me suis dit que demain serait un jour comme un autre 
Bises à toi demain . 
 
Genoux écartés devant loup noir
 
Un loup entre tes jambes 
Une langue dans ton corps 
Il fait froid dehors 
Pourtant tu restes là. 
Si tu veux être nue devant les loups 
Ainsi le silence te répond par l'oubli 
Dans ta main une crispation occupe l'espace 
Une langue joue et le désir t'envahit 
Dans le silence de deux corps 
Tu passes le temps à attendre la fin du désir 
Et ta vie devant sa bouche 
Veut épuiser toute sa volupté. 
A jamais.

Autre comptine
 
Le soleil ouvrit sa porte 
Et leur dit 
Restez dehors 
La vie chauffe mon coeur 
La pluie et le vent restèrent dehors mais leurs âmes révoltées méditaient 
Que faire pour crever ce ballon d'égoïsme? 
Le perforer avec mon aiguille à tricoter dit la pluie.
 
Choc!
 
Voila, le printemps s'endort et la neige fond 
Et d'une seule main, la nature bourgeonne 
Elle est violente, la mignonne quand elle rit 
Hallucinée par le LSD charmeur des fleurs, 
Non, tu vois, la nature ne se drogue pas, 
Elle est droguée par le rythme des vagues, par le soleil, 
Par la montagne. 
Le vent est las, le vent est matelas 
Tu te couches sur lui et tu tombes, 
Et cela fait choc, et cela fait bleu et cela fait mal.
 Croissance interrompue
 
Croissance interrompue 
Par la chute d'un mot 
Un mot lourd 
Mort Amour 
Dur sang coup 
En un seul phonème Sel
 
Sel de la mort 
La peau grise et veinée de roche 
Les doigts statues et assoiffées de velours tendres 
Une gorge rêche et rauque 
Qui établit des dernières frontières entre un désir passant et de la pluie qui reste...
LA VIE. 
 
La vie accident. 
Rien derrière moi? 
Pourquoi? 
Un son qui dure et qui frappe 
Qui existe et qui existe 
Rythme et rythme nos pieds battent le rythme, la 
musique de la flûte donne le mouvement et puis une autre flûte. 
 
Prière de faire suivre.. 
 
Purifier la terre 
L'air 
Le corps 
Nos mots 
Nos vies 
Nos mains, nos étreintes, nos nuits 
Que le désir soit 
Que son accomplissement soit 
Que nos voix se glissent en lui 
Que nos paroles soient douceur sensuelle 
Nos mains objets de caresse 
Qui font qui agissent et qui frissonnent 
 
Que nos yeux.  
Sculpture de chair
 
Oesophage, 
Intestin de soie déchirée 
Veine sculptée, coeur de velours rouge 
Au reflet humide et noir 
Des soleils dans le regard 
Et une plainte sourde dans la gorge 
Déchirement, l'aorte se brise 
Et des éclats d'os 
Provenant de la cage thoracique 
Se dispersent dans la pièce 
Une bouffée de fumée les stérilise 
Gauloise sans filtre 
Qui remet les os et pièces du mécano individuel 
En place.  
 
Oiseau migrateur 
 
Aux ailes chargées d'espoir 
Fou et téméraire 
Oiseau de pluie de feu et d'angoisse 
Franchissant les millénaires 
D'un coup d'aile passant 
Traversant la couche de nos passés. 
De nos pensées.
  
Volupté

Tu es mienne après des siècles d'attente 
Et une main se froisse sur mon épaule 
Et des rires au loin enlèvent ta chemise 
Et une musique profonde mord ton coeur.
 
Sans titre 
 
Soie noire sur peau 
Lèche à corps 
Poèmes de brulûre 
Poèmes luxure 
D'autres en firent. 
Le salaud, l'ordure 
Le crapuleux désir 
D'être le meilleur. 
Le vaniteux désir de comprendre 
La vie, la nuit. 
De crisper sa peau sur des tiédeurs 
De crier sa voix dans des sexes tendus ouverts béants 
Des sexes cathédrales, forums, débats et tristesse. 

 
Homme de nulle part
 
Amène ton verre et viens boire 
A la coupe 
Du silence total 
Que sera 
Ma mort 
Ta mort 
Et 
Celle 
Des 
Autres. 
 
Amusant
 
Amusant le quartier, la putain 
Marche sans que personne 
Ne lui parle, ne l'aborde, tel un pirate 
Et des jours passent sur son banc 
Sa borne, la femme attend 
Et des années durant, elle attendra 
Des oiseaux, des chats, des chiens l'évitent. 
L'odeur de l'amour vite fait 
A des scandales animaux 
Et une chambre à l'air saturé 
Vicié de trente ans de sueur sperme 
Et désirs inavoués, inassouvis 
Sur son banc place des désirs 
La vieille putain attend. 
A peine peut-elle marcher 
A pas horriblement lents 
Que fait-elle dans une chambre couchée éventrée 
Et laide 
Sans un sourire 
Sans une nuit de fraîcheur 
Calme et gaie 
Avec ce zeste d'indignité!
 
Avec haine
 
Chaîne 
Passée autour d'un cou 
Je te quitte 
Je te hais 
Avec amour 
Soirées pleines de silences amortis par le bruit de la glace qui écrasait notre tristesse. 
 
Je t'aime d'un amour borné égoïste 
Traversant le temps comme un gravat l'amour peut aussi n'être pas humide. 
Haine pleine de senteurs 
Délicates avec un toucher suintant d'humeurs et cette odeur de mer qui s'agite et cette odeur de vague écrasée d'algues et de bouche.
  
 
 Projet
 
Une nuit, je dessinerai sur ton corps 
Avec ma flûte dorée l'histoire de ma vie 
Et tu seras belle et ton corps sera beau 
Illustré de mes mille souffrances 
De tous les crachats, coups, gifles et verres lancés 
A mon visage au cours du semblant de ma vie. 
Dans le couloir
 
Petits pas se posent posément 
Avec des grâces 
Et des traces de doigts 
Sur ta bouche. 
Des voitures qui passent 
Croisent ton corps ce matin 
Avec des couleurs miroirs 
Qui éclairent ta pensée.
 
  
24-12-91 
 
Je marche à la surface de mon sommeil 
Prêt à redescendre au moindre appel de mes rêves.
 
 
Rêve 
 
L'autre jour au magasin 
Une fille est passée devant la caisse 
Ne s'est pas arrêtée 
A couru très vite 
Et a tourné le coin de la rue. 
Le marchand souriant a crié : 
Quel malheur 
Mes petits pois, cidre bouché, pain complet, 
Escalope panée et mimolette s'en vont courant 
Puis est sorti, son sourire disparu 
En criant : 
Mes petits pots, mes tomates, mes oeufs mimosa,lentilles Préparées et steak haché 
Passée la porte le marchand souriant 
Au sourire maintenant disparu 
Courut 
Et passa le coin de la rue 
C'est alors 
Que j'ai ouvert le tiroir caisse 
Et que j'ai pris des tas de billets colorés 
Et beaucoup de pièces rondes 
Des sardines piquantes, 
De l'huile d'olive et du café du Brésil, 
Des oranges du Paraguay. 
Et en souriant, j'ai rejoins la fille doucement, 
Celle qui avait passé le coin de la rue..
 
Mort du silence
 
Non, revenir est impossible 
Sur ses pas sans oublier.
 
Il n'y a plus que la peur 
d'être à jamais détesté. 
Ce n'est pas par amour 
que changera la nuit 
Ou la solitude des êtres. 
Le vent qui coule de tes lèvres 
M'apporte la senteur 
M'apporte cette odeur 
Odeur de fraîcheur 
De fleur coupée 
De femme aimante 
Le vent qui sépare nos corps 
Caresse nos cheveux 
Et fait hurler nos voix. 
Nos voix qui tuent. 
Tués par des mots 
Les corps s'éloignent 
Et plus rien ne s'entend. 
 
Suite du Silence
 
Notre amour est amitié 
Tendresse et caresse. 
Notre amour est sourire 
Richesse voluptueuse. 
Quand tu regardes la nuit 
Nos yeux se rejoignent 
A travers l'espace 
A travers l'air glacé. 
Quand tu parles au soleil 
J'entends tes mots 
Et je comprends tes mains 
Qui prennent des fleurs. 
Ces parfums tourmentés 
Qui me prennent ma force avide. 
Mes lèvres se dessèchent 
Sans l'eau de ta parole. 
Mes mains glissent 
Sans tes mains pour les tenir. 
 
La fin du silence
 
Le poids de ta vie sur moi 
Voila de quoi rêver toujours. 
Le vent de toi à moi 
Etouffe nos mots 
Etouffe nos idées et notre vie 
Sans aucune gêne. 
Avec le soleil comme seul regard 
Tu passes dans mon coeur sans cesser de parler 
Des yeux du soir et de tes amis lointains. 
 

Ma Florence attend un enfant
 
Ma Florence attend un enfant qui me ronge la cervelle de 
ma propre peur de ne pouvoir devenir riche pour lui offrir 
des dentelles roses traversées de rayons de soleil avec 
un cèdre comme ombrelle, et un pin parasol comme lit, 
trois vagues, une bouche et deux yeux tous simples, 
c'est étonnant, c'est curieux, c'est Calder ou Miro ou 
Moore dit Florence qui attend notre enfant qui me ronge 
la cervelle de ma peur de ne pas devenir riche de ne 
pouvoir lui offrir les vagues qui lèchent les collines et le 
vent qui caressera ses petits doigts de pieds au bord de 
son berceau.
 
Tu hurles 
 
La bouche de cette fille, 
Les mains douces de cette fille, 
Sur le corps, sur les hanches. 
Sur les mains 
Glisse le désir. 
La bouche de cette fille sur la bouche. 
Les lèvres sur les mains et la gorge, 
Sur la vie de ton corps. 
Tes cheveux sur ses épaules 
Le front sur son cou 
Et ta main dans le creux de son corps. 
Tu hurles 
Car tout ceci n'existe pas. 
Il n'y a qu'un verre vide sur un plancher sale. 
 
Main
 
Rien 
Pas de main sur ma main 
J'attends, 
Toujours rien 
Toujours pas de main 
Sur ma main, 
J'attends, 
Toujours ma main 
Belle, 
Et pas de main 
Sur ma main, 
Rien, 
Pas de main sur ma main, 
J'attends, 
Toujours rien, 
Toujours pas de main, 
Rien, 
J'attends 
 
Lisse
 
Sur un grand lit couchée 
Une femme malgré sa vieillesse attend encore 
Un peu de tendresse. 
Elle espère dormir pour la vie triste. 
Elle veut perdre 
Derrière elle 
Le sillage noir 
Des souvenirs dorés. 
Elle a dans sa main un peu de richesse 
Un lent mouvement ondulant.
 
Les choses inégales 
 
Les choses légales 
Sont passées dans les mains de tous 
La loi transformée a absorbé 
Le droit de sourire 
Jamais le monde n'a souffert sans le vouloir. 
Le roseau pensant est breveté 
L'immensité règne 
Ils avaient raison de dire que l'homme 
Est destiné à faire les beaux jours des dieux. 
Demain le train partira.
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